« L’interculturel » dans les formations de l’enseignement supérieur : Conceptions, pratiques, enjeux et perspectives

Le Mans Université, 22 et 23 novembre 2018

 

Les inscriptions sont ouvertes jusqu'au 10 novembre.

 

Colloque international organisé par l’EA 2661 CREN, Centre de Recherche en Education de Nantes, Site Le Mans Université

Avec la collaboration de l’EA 3958 IMAGER, Université Paris Est Créteil

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Argumentaire

L’intégration de l’interculturel dans la formation est aujourd’hui à envisager « à tous les niveaux des systèmes d’éducation formelle, informelle et non formelle » (UNESCO, 2013 : 28). L’enseignement supérieur, dernière étape avant l’entrée dans le monde professionnel, ne fait pas exception dans le système éducatif. De fait, le Livre blanc sur le dialogue interculturel, édité en 2008 par le Conseil de l’Europe, invite l’université à former des « intellectuels interculturels » pouvant jouer un rôle actif dans la vie publique.

Traditionnellement présente sous la forme de « cours de civilisation » dans les filières de langues, la question des « cultures » intéresse aussi les filières dites « non spécialistes » et s’intègre également dans les cours de langue de spécialité (voir p.ex. Actes du Congrès de l’APLIUT, 2009). Plus généralement, dans la mesure où l’éducation interculturelle est conçue comme transversale à toutes les matières scolaires (Beacco, 2011), il semble peu pertinent de l’associer aux seuls cours de langue et de réserver un « enseignement à l’interculturel » uniquement aux étudiants inscrits dans les filières dédiées aux langues étrangères.

Depuis quelques dizaines d’années, un champ conceptuel, riche de discussions, s’est développé en Didactique des Langues autour des notions d’interculturel ou de pluriculturel, mais aussi de celles d’identité, d’altérité et de diversité, pour ne citer que les plus significatives (cf. Coste, Moore & Zarate, 1997 ; Byram, 2003 ; Beacco et al., 2010). Certains travaux appellent aussi à s’inscrire dans une approche critique de l’interculturel (Demorgon, 2003 ; Giordano, 2008 ; Blanchet & Coste, 2010), qui met l’accent sur les conflits, tensions et contradictions à l’œuvre dans les relations sociales inter-/alter-culturelles, moteurs de ces relations.

Au niveau de la pédagogie universitaire, on notera le développement de démarches biographiques et réflexives (Molinié 2006), la mise en œuvre de projets interculturels collaboratifs en ligne (Mangenot & Zourou, 2007 ; Springer 2008), ou encore de dispositifs spécifiques pour les étudiants en mobilité internationale (Anquetil, 2006). D’autres projets se développent sous forme de tandems linguistiques, de systèmes de « buddies » ou de tutorat, de rencontres interculturelles (par exemple, engagement commun dans des activités sportives, artistiques ou socioculturelles), d’enquêtes sociologiques et ethnographiques, et ce à travers des partenariats internationaux ou nationaux et/ou en collaboration avec des acteurs associatifs. La mise en place de tels dispositifs implique inévitablement une prise en compte des contraintes locales – institutionnelles et pédagogiques – mais aussi une réflexion sur l’inscription de la formation à l’interculturel dans la pédagogie universitaire globale.

Axes de questionnement

Une question éducative forte, éminemment contextuelle, est celle de la compétence à l’œuvre lorsqu’il s’agit de se « socialiser au divers, à l’altérité » (Alaoui, 2014), des dimensions de savoirs, savoir-faire et savoir-être associées à la « compétence interculturelle » … comment les travailler, les évaluer ? S’agit-il de « former à la différence » (Gohard-Radenkovic, 2009) ? Peut-on former à l’interculturel, ou s’agirait-il plutôt de former par (Castellotti, 2006) l’interculturel ? Jusqu’où peut-on formaliser cette compétence sans la réduire, et quels seraient les enjeux de sa réduction ?

Dans le contexte universitaire, d’autres questions peuvent se poser, notamment : celles du public : (quels étudiants doivent/peuvent être formés ?), de la temporalité de cette formation (à quelle étape de leur cursus ?), et bien sûr des objectifs visés (à quoi les prépare la formation à / par l’interculturel ? ; s’agit-il simplement de préparer les étudiants à la mobilité internationale, de faciliter leur intégration sociale, leur insertion professionnelle, ou encore, de façon plus globale, d'accompagner et de favoriser leur inscription dans une société plurilingue et pluriculturelle ?)

Quels dispositifs de « formation à l’interculturel » sont mis en place dans quelles filières universitaires ? Quelles articulations sont opérées entre les enseignements théoriques relevant de la problématique interculturelle en SHS, et la mise en œuvre de démarches et pratiques réflexives, de réflexion critique sur la pluralité et l'altérité, de retour sur soi, de décentration... ?

Egalement, quels liens peut-on établir entre la « compétence de communication » ou « compétence interactionnelle » et la « compétence interculturelle ? » Quelles stratégies de communication, par exemple pour la gestion de la face (Goffman, 1974), peuvent être enseignées pour faciliter l’accès au dialogue interculturel ?

Finalement, se pose la question de l’élaboration des critères qui serviront à l’évaluation de la pertinence didactique des dispositifs. Quels sont les concepts et les outils théoriques et méthodologiques qui permettent la construction, en amont, et l’analyse, en aval, des dispositifs pédagogiques ? Peut-on appliquer les modèles issus de l’analyse des interactions (Kerbrat-Orecchioni, 2005) ou de l’analyse conversationnelle (Traverso, 1999), ainsi que les outils méthodologiques développés en sociolinguistique et en analyse du discours ? Quelles sont les précautions éthiques et déontologiques à appliquer au sein de la mise en place de dispositifs et des méthodologies de recherche ? Est-il possible de transférer les résultats d’une recherche ou d’une expérimentation locale au niveau global (national ou transnational) ?

 

Références bibliographiques

Alaoui, D. (2014). « Socialiser au divers, à l’altérité, au dialogue interculturel et à la reconnaissance : la quadruple socialisation versus la socialisation néolibérale ». Dans D. Alaoui et A. Lenoir (dir.), L’interculturel et la construction d’une culture de la reconnaissance (p. 235-263), Québec : Groupéditions.

Anquetil, M. (2006). Mobilité Erasmus et communication interculturelle : une recherche-action pour un parcours de formation. Berne : Peter Lang.

Beacco, J.-C. (2011). Les dimensions culturelles et interculturelles des enseignements de langues : état des pratiques et perspectives, Texte présenté lors du Séminaire sur « Convergences curriculaires pour une éducation plurilingue et interculturelle », Strasbourg : 29-30 nov. 2011.

Beacco, J.-C., M. Byram, M. Cavalli, D. Coste, M. E. Cuenat, F. Goullier & J. Panthier. (2010). Guide pour le développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle. Strasbourg : Conseil de l’Europe.

Blanchet, Ph. & Coste, D. (2010) : Regards critiques sur la notion d’« interculturalité ». Pour une didactique de la pluralité linguistique et culturelle, Paris, L’Harmattan, Coll. « espaces discursifs ».

Byram, M. (sous la dir. de), (2003). La compétence interculturelle. Division des Politiques linguistiques, Conseil de l’Europe, Strasbourg.

Castellotti, V. (2006). Une conception plurielle et intégrée de l'enseignement des langues, principes, modalités, perspectives. In Macaire, D. (Coord.) Les cahiers de l'Acedle n° 2, Actes du colloque Acedle 2005 Recherches en didactique des langues, pp. 319 -331

Congrès de l’APLUT (2009). « Interculturel et enseignement des langues spécialisées » dans Les Cahiers de l’APLIUT, 28, 1 et 2 

Coste, D., Moore, D. & Zarate, G., (1997). Compétence plurilingue et pluriculturelle. Strasbourg: Conseil de l’Europe.

Demorgon, J. (2003). « L’interculturel entre réception et invention, contextes, médias, concepts », in Questions de Communication, 4 : 43-70.

Giordano, C. (2008). « L'insoutenable innocence de l'interculturel, in A. Gohard-Radenkovic et A. Jalil Akkari, Coopérations internationales : entre accommodements interculturels et utopies du changement, Paris, L'Harmattan : 161-170.

Goffman E. 1974 (1967). Les rites d’interaction, Paris, Minuit.

Gohard-Radenkovic, A. (2009). « Peut-on former à la différence ? Peut-on « penser la différence » dans la mobilité ? », Cahiers de l’APLIUT, Vol. XXVIII N° 2 : 10-23.

Kerbrat-Orecchioni, C. (2005). Le discours en interaction. Paris : Armand Colin.

Mangenot, F. et Zourou, K. (2007). « Susciter le dialogue interculturel en ligne », Lidil, 36 | 2007, 43-68.

Molinié M. (Dir.) (2006). Biographie langagière et apprentissage plurilingue, Revue Le Français dans le Monde, Recherche et Application, 39, Paris, CLE international.

Springer C. (2008). « Vers une pédagogie du dialogue interculturel : agir ensemble à travers les nouveaux environnements numériques sociaux », University studio press. Année européenne du dialogue interculturel : communiquer avec les langues-cultures.

Traverso, V. (1999). L’analyse des conversations. Paris : Nathan.

UNESCO (2013). Compétences interculturelles. Cadre conceptuel et opérationnel. Plate-forme intersectorielle pour une culture de la paix et de la non-violence.

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